
L'ART DE L'OSIER
Il en reste peu, en France, des Osiériculteurs-Vanniers, ces cultivateurs avertis qui travaillent la terre humide et marécageuse requise pour y planter des pousses de saule, leur matière première, qui deviendront des brins d'osier avec lesquels ils tressent toutes sortes de vanneries. C’est le cas d’Yves Bouché qui, à sa retraite, après 31 ans d’une belle carrière dans la gendarmerie, est revenu à ses premières amours : la vannerie. « C’est en tombant par hasard sur un reportage du 13h de Jean-Pierre Pernaut que j’ai eu envie de reprendre cet artisanat que je connaissais déjà bien car mon père et mon grand-père étaient vanniers. » nous explique-t-il. En effet, son père, qui produisait quelque 150 paniers à boulons par semaine qu’il vendait aux usines de la région, enseigna à ses deux fils les rudiments de ce savoir-faire. Alors qu’Yves semblait passionné par ce métier manuel, c’est son frère, Laurent, qui fut envoyé à l’Ecole Nationale d’Osiériculture et de Vannerie de Fayl-Billot en Haute-Marne, la seule et unique de France. Cependant, Laurent préféra devenir boulanger et Yves poursuivit ses études pour devenir fonctionnaire. C’est un jour en pêchant dans l’étang de Germont, un village voisin de Toges, qu’Yves eut l’idée de confectionner un nichoir à cane colvert en osier, comme lorsqu’il était enfant. Le résultat fut plutôt réussi et il se prit au jeu. Il planta une haie d’osier chez lui à Toges et, satisfait de sa récolte, décida de planter trois oseraies sur des terrains choisis avec soin au village.

L’osier, comme la vigne, ne peut être récolté et utilisé qu’à partir de la troisième année, et le plant doit être arraché et remplacé au bout de 15 ans environ. Yves choisit de bouturer à la main de beaux plants de son père en choisissant une grand variété de couleurs : du rouge et du jaune ardennais, du pourpre, du violet, du beige kaki, du crème, du rouge belge, pour ne citer que ceux-là. Les boutures –ou tacots–, de 25 centimètres environ, préalablement sélectionnées pour avoir une pousse saine, et dépourvues de racines, se plantent tous les 10 centimètres environ et s’enfoncent en totalité dans le sol. A partir du 15 août, l’osier « prend ses couleurs », c’est-à-dire qu’il mûrit en se colorant. La récolte ne se fait donc qu’entre le 15 novembre et le 15
mars. La mécanisation augmenta la productivité des terres osiéricoles et permit de solliciter un peu moins la force physique. Néanmoins, Yves, dont l’art de l’osier est une passion et un passe-temps, choisit de travailler à l’ancienne, c’est-à-dire de planter et récolter son osier manuellement. Une fois la récolte effectuée, il faut la trier : on sépare le bel osier pour la vannerie de l’osier vert qui servira pour créer de nouveaux plants ou pour façonner des réalisations vivantes : des haies, des cabanes, des pergolas, des palissades, vivantes tressées en osier. Les brins sélectionnés pour la vannerie sont triés par taille. Puis, certains brins sont laissés bruts, d’autres sont « triffés », comme on dit à Toges. Le triffût est un vieil outil traditionnel utilisé par Yves pour « triffer » l’osier, c’est-à-dire pour le plumer, lui enlever son écorce. Le trifage n’est pas obligatoire pour travailler l’osier, il est une technique supplémentaire de maîtrise de la couleur de celui-ci. L’osier vert, c’est-à-dire tout juste récolté, peut être triffé et entreposé pour le séchage, on parle alors d’osier blanc de par sa couleur claire, mais il peut aussi être entreposé pour le séchage directement, sans être triffé, on parle cette fois d’osier brut. L’osier blanc et l’osier brut sont liés par taille et par bottes d’une centaine de brins qu’on laisse sécher jusqu’à un an.
C’est à la suite de cette étape qu’Yves change de casquette : d’osiériculteur, il devient vannier. Comme tout artisanat, la créativité et la signature artistique caractérisent le travail de l’artisan, ce qui le rend unique et identifiable. Yves a ses préférences, que ce soit au niveau du choix des pièces fabriquées, qu’au niveau des techniques de tressage ou des couleurs d’osier utilisées. Ses pièces de prédilection sont le panier crocane ardennais, une forme traditionnelle de la région qu’il met 2h30 à réaliser, et le panier à bois, très utile dans nos contrées boisées, qu’il met 4h30 à fabriquer.
« Lorsque je fais les marchés, je sens que les gens veulent revenir à des objets plus traditionnels et naturels, ils ne veulent plus de sacs en plastique, ils aiment faire leurs courses avec des paniers en osier. J’ai l’habitude de jouer avec les couleurs, c’est résolument moderne et ça personnalise le panier, ça le rend unique et original. » nous confie joyeusement Yves. Une opération obligatoire précède la confection des pièces : le trempage dans l’eau. Elle permet aux brins de retrouver leur souplesse pour éviter qu’ils ne se brisent au cours du tressage. Le temps de trempage varie selon la longueur et l’épaisseur du brin, de quelques heures à plusieurs jours.


Ce métier noble, éminemment manuel, demande très peu d’outils : seuls opinels, sécateurs ou couteaux et serpettes de vannier sont utilisés. Certains vanniers travaillent à l’aide de moules en bois autour desquels ils tressent leur brins afin que leurs pièces soient régulières et identiques. Yves a quant à lui pris le parti de travailler sans moules : « Je suis comme les gitans, ils n’aiment pas les moules non plus, leurs moules ce sont leurs mains, tout comme moi. » Yves a l’habitude de dire que ses pièces n’ont pas de défauts, seulement des singularités !
Pour aller plus loin, voici un reportage sur un artisan vannier des Ardennes, Gilles Durmois, de Boult-aux-Bois, un village voisin de Toges.