
LE NECTAR DES BUTINEUSES
Le miel, avec son beau teint doré, est un nectar sucré et prisé que les butineuses togeardes s’affairent à produire depuis quatre ans dans les ruches de Stéphane Bocquet. A Toges, les anciens avaient pour habitude de surnommer les abeilles « les mouches à miel », un peu comme on aurait dit « les poules aux œufs d’or », ce qui, cependant, est loin d’être le cas pour Stéphane, pour qui l’apiculture est avant tout une passion et un passe-temps. Et c’est de son père, mécanicien de carrière mais apiculteur de cœur depuis 1976, qu’il tient cet engouement pour l’apiculture et les abeilles. L'apiculture constitue également une bonne mise en pratique des convictions écologiques de Stéphane car « étant donné le monde dans lequel nous les plongeons, les abeilles ont malheureusement grandement besoin de quelques sauveurs et de gens qui les aiment et essaient de les sauver ».
En 2015, il commence son activité d’apiculteur à Toges avec seulement une ou deux ruches dont les essaims ont été ramenés de chez son père. Aujourd’hui, il possède près d’une dizaine de ruches qu’il a placées sur un terrain à l’écart du village en haut d’un coteau. « Le goût du miel dépend beaucoup du terroir dans lequel les abeilles évoluent, et ici, à Toges, il est excellent et préservé » nous confie-t-il. En effet, le village est entouré de bois et de pâtures, les abeilles sont ainsi protégées des produits phytosanitaires, trop souvent toxiques et dangereux pour elles, mais malheureusement utilisés à outrance dans l’agriculture conventionnelle. De plus, il subsiste encore ici une importante variété de flore qui fait varier l’alimentation en pollen des abeilles, ce qui rend le miel encore plus savoureux. Les acacias et robiniers sauvages sont nombreux à Toges, ce qui constitue, au printemps lorsqu’ils sont fleuris, un pollen idéal pour ces butineuses. Le printemps amène également son lot de fleurs des champs, nombreuses dans les prés alentours, et de fleurs d’arbres fruitiers, abondants également dans les anciens vergers du village. L’été, les abeilles se nourrissent de pollen de fleurs de tilleuls, de châtaigniers et de marronniers.
Le travail de l'apiculteur requiert une attention constante tout au long de l'année et se calque sur la vie de la ruche et sur la biologie de l'abeille. Ainsi, tout commence au début du printemps, lorsque l’apiculteur installe ses
hausses, c’est-à-dire un étage supplémentaire ajouté au-dessus du corps de la ruche, d’une épaisseur moitié moindre par rapport à celle-ci et contenant des cadres vides, avec ou sans cire gaufrée. La ruche est composée d'un corps de ruche, dans lequel vit la colonie. Au centre de celle-ci, on trouve le couvain : l’ensemble des œufs, larves et nymphes, protégés par les nourrices de la colonie et entourés de rayons de miel et de pollen pour l'alimenter. Une fois la réserve de miel destinée au couvain constituée dans le corps de la ruche, les abeilles peuvent se servir de la hausse pour entreposer leur récolte, il s’agit en quelque sorte du grenier de la ruche. L’apiculteur ne récolte que le miel placé dans les hausses et à aucun moment celui qui est situé dans le corps de la ruche. Lors de bonnes années avec une météo clémente, il arrive que deux hausses soient placées sur certaines ruches.

Stéphane possède une dizaine de ruches Dadant, dites « modernes », qui figurent parmi les plus répandues dans le monde, notamment en France. Ce modèle de ruche porte le nom de son inventeur, Charles Dadant (1817-1902), considéré comme l'un des fondateurs de l'apiculture moderne. Cette nomenclature est définie en fonction des dimensions des ruches qui sont répertoriées et réglementées. Une ruche peut accueillir entre 20 000 et 60 000 locataires et peser jusqu'à 40 kilos, tandis qu’une hausse pleine peut, quant à elle, peser plus de 25 kilos. Stéphane récolte généralement son miel trois fois par an grâce aux fleurs d'acacias que comptent le village : le miel de printemps au mois de mai, le miel d'acacia fin juin et le miel d'été début août. Les récoltes plus tardives sont déconseillées car il convient de laisser le temps à la colonie de faire suffisamment de réserves pour passer l’hiver.
A l’occasion de la récolte, que père et fils ont l’habitude de faire ensemble, les hausses sont extraites des ruches pour la désoperculation. L’opercule est la pellicule de cire que les abeilles ont déposée sur les cadres des hausses. Ce processus a donc pour finalité de collecter les opercules. Ces dernières sont ensuite placées dans un extracteur, manuel chez Stéphane, électrique chez d’autres apiculteurs de métier. La manivelle de l’extracteur est alors actionnée et grâce à la force centrifuge, le miel se colle sur la paroi et coule jusque dans un récipient qui le collecte. Le miel ainsi récolté est transféré dans un maturateur où il est conservé plusieurs jours afin que les bulles d’air et les impuretés remontent à la surface pour être retirées. Stéphane produit en moyenne 20 kilos de miel par ruche et par an.
Stéphane se désole de la préoccupante disparition des abeilles, mais semble quelque peu réconforté à l’idée que grâce aux réseaux sociaux, de plus en plus de personnes sont sensibilisées à la cause des abeilles et à la nécessité vitale de les protéger pour sauvegarder notre écosystème. Il dénonce également les miels frauduleux, provenant notamment de Chine ou de pays hors UE, qui sont des mélanges dont les ingrédients sont flous. Heureusement, les marchés français restent assez réglementés, ce qui n’empêche pas certaines dérives, comme c’est le cas pour de nombreux autres produits. « Mes clients me disent que mon miel est meilleur qu’en grande surface, attention ce n’est pas moi qui le dit ! » lance timidement Stéphane avec la modestie qui le caractérise. Et c'est sûrement parce que son miel est 100% biologique et fait avec cœur !
A vous de goûter !
